Une superbe description d’une phase délirante : Le Horla de Maupassant.
Né en 1850 à Tourville-sur-Arques et disparu prématurément à Paris en 1893, Guy de Maupassant incarne parfaitement son époque. Si le XVIème siècle fut marqué par l’alchimie, le XVIIème par la cartomancie, et le XVIIIème par un engouement pour l’électricité, le XIXème siècle, celui de Maupassant, fut captivé par le spiritisme et les entités invisibles. L’influence des écrits d’Allan Kardec et les premières tentatives de photographier les esprits en sont des preuves flagrantes. Cette époque vit aussi l’émergence de la psychanalyse et les célèbres démonstrations de Charcot. Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que Maupassant ait été inspiré par ces éléments caractéristiques de son temps.
Considéré comme un maître de la nouvelle française, Maupassant fut formé par Gustave Flaubert, qui le présenta à des auteurs renommés tels que Huysmans, Zola et Daudet. Sa renommée s’ancra solidement en 1880 avec la publication de « Boule de Suif », suivi de près par « Les Contes de la Bécasse » en 1883 et « Bel Ami » en 1885.
Touché par la syphilis, maladie redoutée et incurable à l’époque, Maupassant commença à souffrir d’hallucinations psychotiques dès 1884. Ce n’est donc pas étonnant que son œuvre « Le Horla » soit empreinte d’une atmosphère oppressante, délirante, voire paranoïaque. Cinq ans après la rédaction de cette nouvelle captivante, il tenta de mettre fin à ses jours et fut par la suite interné en asile psychiatrique, où il décéda en 1897. Sa vie, tragique et sa chute, dramatique, représentent une perte immense pour la littérature française.
Le nom « Le Horla » fut également celui d’un aéronef financé par Maupassant lui-même, avec lequel il effectua un vol le 8 juillet 1887 depuis l’usine à gaz de La Villette. Cette audace révèle une facette de la personnalité de Maupassant. La coïncidence entre le nom de cette nouvelle fantastique et celui de l’aéronef n’est pas anodine et suggère l’extraordinaire nature de l’histoire. De plus, le terme « Horla » évoque l’idée de « hors de là », faisant allusion à un voyage hors de la terre (comme dans le cas du ballon à hydrogène) et à un état de conscience hors des normes sociales.
Sans révéler l’intrigue, il est certain que le « Horla » de Maupassant vous transporte « hors de là ». Le personnage principal nous fait vivre son glissement vers la folie, ses symptômes psychotiques, ses doutes et raisonnements. Nous assistons à la façon dont il reconstruit un équilibre et une cohérence face aux phénomènes étranges dont il est à la fois la victime et le complice.
Ce récit vous fera chanceler, ébranlera vos convictions, semera le doute dans vos conceptions du monde et de la rationalité. Quelque chose d’extérieur, un élément « Horla », s’accrochera à votre esprit et ne vous quittera plus une fois que vous aurez osé ouvrir ce livre et plonger dans son récit. Avec « Le Horla », il y a un avant et un après : cette œuvre bouleversera votre perception du sens commun.
Qu’est-ce que le « Horla » ? Quelle est cette entité hors « là » ? Est-ce vous, moi, ou lui ? La réponse se cache dans les lignes de ce texte.
Je vous souhaite une lecture aussi déstabilisante qu’enrichissante !
Alexandre Bleus