Jacques Lacan où le retour à Freud
Le retour à Freud, c’ est-à-dire la tentative et la volonté de retrouver le texte sous les décombres des couches de commentaires qui en ont obscurci la signification, est bien le mouvement que Lacan a initié. En ce sens, Lacan est bel et bien un homme du vingtième siècle puisqu’ il amorce un chemin placé sous le double signe du retour et de la structure. Ce retour lacanien aux sources des textes originaux fait penser à un terme qui trouve son origine dans la langue italienne : le substantif “aggiornamento”. Ce terme signifie exactement non pas une “mise à jour” (terme qui serait négation délétère de certains éléments des origines) mais bien plutôt une “mise au jour”. Il ne s’ agit donc pas ici pour Lacan de rénover le discours freudien et encore moins de le moderniser mais, plus exactement, de le retrouver tel quel en faisant abstraction de la foule des commentaires et des tonnes de commentaires dont il a fait l’ objet.
Le but de Lacan n’ était autre que de retrouver la théorie fondamentale de Freud et de réexaminer son enseignement ainsi que la pratique de la clinique. On notera aussi très aisément que Lacan a ouvert la psychanalyse à d’ autres disciplines en se mettant tout à fait dans les pas de Freud qui, lui, avait déjà largement enraciné l’ analyse au coeur de l’ histoire, de la littérature et des arts. Le retour à Freud que Lacan opère avec brio est aussi paré d’ un effet de boucle puisque le texte même du discours freudien va devenir objet de l’ analyse de Lacan. Ainsi, Lacan montre que le discours est l’ homme et que le texte, qui est dépôt du même discours, peut faire l’ objet d’ une analyse freudienne. Ainsi, les méandres du texte freudien sont eux-mêmes interprétés comme des formations de l’ inconscient. Ce mode de faire lacanien va permettre de mettre au jour la structure du dire freudien : immense avancée dans l’ ordre analytique.
Le fondement de cette relecture de Freud part d’ une observation fondamentale faite par Lacan selon laquelle l’ inconscient est structuré comme un langage. Et c’ est grâce aux apports des concepts issus de la linguistique que l’ analyse des textes freudiens va être entamée par Lacan. Les travaux de Ferdinand de Saussure et de Roman Jakobson seront employés et remaniés afin d’analyser la façon dont Freud abordait les rêves, les lapsus, les actes manqués et les mots d’ esprit comme des formations de l’inconscient qui révèlent la structure linguistique de celui-ci.
Je me permets donc de dire que, pour Lacan, l’ homme est le texte car, d’ une part, son langage a pour dépôt son écriture et son inconscient est structuré comme un langage et aura donc également comme dépôt une inscription qui peut se donner à voir comme une écriture. D’ autre part, sachant que l’ écriture est la forme qui recouvre le réel de la logique, Lacan pourra en analyser les mouvements ! Le retour à Freud est donc bien chez Lacan un retour à l’ intuition freudienne de la deuxième topique et non une glose scolastique comme certains de ses détracteurs le supposent ou l’ affirment.
Références bibliographiques:
Fink, B. (1997). The Lacanian Subject: Between Language and Jouissance. Princeton: Princeton University Press. Fink offre une introduction accessible à la théorie lacanienne, en mettant l’accent sur ses fondements linguistiques et son rapport à Freud.
Dor, J. (1997). Introduction à la lecture de Lacan : Le désir
Alexandre Bleus