Entre Savoir, Jouissance et Écriture dans la structure !
Continuant à explorer le champ des concepts clefs de Lacan, je voudrais aujourd’hui aborder brièvement avec vous une réflexion profonde sur la nature de l’inconscient, ce lieu qui, comme un réservoir de savoir sans qu’un sujet en soit directement conscient, sait sans le savoir. Cet étrange paradoxe où le savoir existe indépendamment de la conscience de celui qui le détient nous invite à repenser la relation entre le sujet et son inconscient. Lacan, avec sa perspicacité habituelle, propose une inversion intrigante : au lieu de considérer l’inconscient comme simplement un lieu de savoir caché, il le conçoit comme un espace où le savoir se manifeste en dehors de la conscience du sujet, un “savoir sans sujet”. Il semble clair que Lacan inaugure ici un changement de paradigme faisant de l’ Inconscient une structure.
Cette idée nous emmène au cœur du transfert, où le concept de “sujet supposé savoir” prend toute son ampleur. Le transfert se définit par cette attribution d’un savoir au psychanalyste par le patient, mais ce qui fascine ici, c’est la déconstruction de cette supposition : l’inconscient lui-même devient un agent actif, détenteur d’un savoir qui lui est propre, indépendamment du sujet conscient. La question du sujet de cet inconscient devient alors centrale, car si le savoir existe, à qui ou à quoi appartient-il réellement si le sujet conscient en est ignorant ? Lacan joue avec cette idée en introduisant la notion que ce savoir inconscient agit sur la jouissance corporelle, un concept fondamental pour comprendre les mécanismes de désir et de manque qui animent le psychisme humain. L’objet petit a, cette cause du désir toujours insaisissable, émerge comme un effet direct de cette dynamique, marquant profondément notre discours et nos symptômes. Ceux-ci, en tant qu'”événements de corps” singuliers, témoignent de la manière dont l’inconscient imprègne notre être le plus intime. Ainsi la chair se définit comme le corps écrit par des signifiants et sa lecture peut faire effet de guérison.
La proposition audacieuse de Lacan, “je parle avec mon corps”, soulève la question cruciale de l’articulation entre le sujet en quête d’existence et de vérité, et l’inconscient. Ce dialogue complexe entre manque et jouissance se révèle être au cœur de notre rapport au monde où le corps devient le théâtre d’une lutte incessante pour donner sens à ce qui nous échappe fondamentalement. Lacan nous guide vers une compréhension où le savoir inconscient n’est pas neutre car, en effet, celui-ci il engendre une jouissance spécifique mais se heurte à l’impossibilité du rapport sexuel, une limite intrinsèque à la condition humaine au sens logique du terme. Cet axiome lacanien selon lequel “il n’y a que de l’Un”, résonne comme le constat d’une solitude fondamentale du sujet, condamné à une jouissance solipsiste, qui définit en partie la tragédie du sexuel.
La répétition et le symptôme sont alors vus comme des tentatives de circonscrire cette jouissance de l’Un, dans un effort d’écriture qui défie les limites du symbolique. Lacan érige l’écriture et la lettre en principes fondamentaux pour naviguer dans cet espace où le réel et le symbolique se rencontrent et se confrontent. Son séminaire “D’un discours qui ne serait pas du semblant” pose les jalons d’une réflexion sur le pouvoir de l’écrit, non pas comme simple transcription du parlé, mais comme acte qui engage le réel. Cette perspective ouvre un champ de réflexion immense sur la manière dont nous comprenons et interagissons avec notre inconscient, dans une tentative sans cesse répétée de saisir l’insaisissable et d’écrire l’inécrivable. Ainsi, je pense que le concept de Jouissance chez Lacan est un complément conceptuel permettant d’ éclairer encore mieux la notion de contingence.
Alexandre Bleus