Avant d’aborder la topologie chez Lacan, définissons les termes de manière correcte !
Avant de nous aventurer dans les méandres de la topologie lacanienne, il me semble crucial de clarifier la notion même de topologie en mathématiques. C’est en effet en appréhendant ses fondements et ses concepts clés que nous pourrons saisir pleinement sa pertinence dans le champ de la psychanalyse. Les étudiants qui se consacrent à la lecture des textes topologiques de Lacan devraient tout d’ abord approfondir leurs connaissances en mathématiques afin d’ éviter les nombreuses aberrations que l’ on rencontre trop souvent dans les textes de “topologie” des disciples de Lacan.
Commençons donc par définir les termes. Nous en isolerons trois : topologie, espace topologique et notion locale de voisinage.
La topologie se définit comme une branche de la géométrie qui s’intéresse aux propriétés intrinsèques des objets géométriques, celles qui demeurent inchangées lors de déformations continues sans déchirure ni recollement. En d’autres termes, elle étudie les caractéristiques topologiques qui subsistent lorsqu’on étire, tord ou compresse un objet sans le briser.
Un espace topologique se définit comme un ensemble muni d’une structure permettant de caractériser la notion de voisinage pour chaque point. Cette structure peut découler d’une distance préexistante entre les points, définissant ainsi un espace métrique. La droite réelle, le plan et l’espace tridimensionnel en sont des exemples, tout comme leurs sous-ensembles tels que le cercle, la sphère ou le tore. Vous vous souvenez certainement que, dans un espace euclidien, une seule droite passe par deux points, un seul plan par trois points et que, par quatre points n’ appartenant pas à un même plan, les volumes peuvent se construire.
La notion locale de voisinage peut être supplantée dans un espace topologique par la notion globale d’ouvert, caractérisant un ensemble contenant tous ses points adjacents. L’ensemble des ouverts constitue la topologie de l’espace.
Il faut aussi noter que la topologie générale pose les bases et les outils fondamentaux de l’étude des espaces topologiques. La topologie algébrique s’attache à associer à chaque espace des invariants algébriques, tels que des nombres, des groupes ou des anneaux, permettant de les différencier. Cette approche trouve une application particulière dans la théorie des nœuds que Lacan affectionnait tant. La topologie différentielle, quant à elle, se focalise sur l’étude des variétés différentielles où chaque point possède un voisinage homéomorphe à une boule de dimension finie. Mais qu’ est-ce à dire exactement ? Eclairons cette dernière phrase.
Imaginez que vous ayez une boule en plastique. Vous pouvez la déformer, l’étirer, la compresser, la tordre, mais sans la déchirer ni la coller. La topologie différentielle s’intéresse aux propriétés de formes géométriques qui, comme cette boule, peuvent être déformées continûment les unes en les autres. Donc on comprend que les formes étudiées par la topologie différentielle s’appellent des variétés différentielles. Elles sont comme des surfaces lisses et courbes sans angles ni plis. Prenez, par exemple, la surface d’une sphère ou d’un ballon de rugby.
L’idée centrale de voisinage homéomorphe repose sur la comparaison des formes en les déformant les unes en les autres. Imaginez que vous ayez une sphère et un cube. Vous pouvez déformer la sphère pour obtenir un cube en étirant et en aplatissant certaines parties ! On dit que la sphère et le cube sont homéomorphes car ils peuvent être transformés l’un en l’autre sans déchirure ni recollement. La phrase “chaque point possède un voisinage homéomorphe à une boule de dimension finie” signifie que si vous regardez de très près n’importe quel point sur une variété différentielle, vous verrez une petite zone qui ressemble à une boule. C’est comme si vous zoomiez sur la surface et que vous voyiez toujours une petite portion ronde, quelle que soit la forme globale de la variété. Permettez-moi de vous donner un petit exemple : on peut dire que la surface de la Terre est une variété différentielle. Si vous regardez de très près, vous verrez une petite zone qui ressemble à un plan. Mais si vous vous éloignez, vous verrez que la Terre est une sphère. C’ est aussi clair que cela. Par conséquent, la topologie différentielle est un outil mathématique puissant pour comprendre les formes courbes et régulières. Comme nous l’ avons vu, elle permet de comparer des formes en les déformant les unes en les autres et de les analyser en zoomant sur de petites zones. Cette discipline a de nombreuses applications dans divers domaines scientifiques et techniques comme, par exemple ,dans les domaines de la physiques et même de l’ informatiques. Elle intervient dans l’étude des courbes, des surfaces, des variétés et des espaces abstraits, contribuant à la compréhension des structures géométriques complexes.
En physique, la topologie joue un rôle crucial dans la théorie des champs quantiques et la cosmologie, où elle permet d’explorer les propriétés géométriques de l’univers et de ses constituants fondamentaux. En informatique, notamment la géométrie computationnelle et la robotique, on utilise la topologie pour analyser la forme et les propriétés des objets numériques ainsi que pour planifier des mouvements et des interactions dans des environnements virtuels.
On comprend mieux maintenant pourquoi Lacan a voulu employer la topologie afin de traduire de manière objective l’ architecture complexe de sa pensée. Il était nécessaire pour lui de traduire de manière conforme à la pensée structurale la deuxième topique de Freud en réalisant un pont interdisciplinaire entre psychanalyse et mathématiques.
Alexandre Bleus